5 ans déjà ! 

Mars 2001, cela fait donc maintenant un peu plus de 5 ans que je suis élu dans un arrondissement parisien, le 19ème, l'un des plus populaires et des plus peuplés, adjoint au maire, chargé de la culture et délégué pour un conseil de quartier, celui de la place des Fêtes.

L'expérience est passionnante : être au service des parisen-ne-s, essayer d'apporter des réponses concrètes à des attentes et des espoirs. J'essaye d'avoir une pratique au quotidien de dialogues et de rencontres, de mise en œuvre d'actions dans un contexte budgétaire et politique donné mais sans m'enfermer dans ses limites. Dommage, à mon sens, que cette pratique ne se nourrit pas assez de l'expérience de tous…

Avant de parler de la culture, je voudrais préciser le cadre de mes activités. Je milite, je "m'amuse" comme dirait ma famille. Élu communiste, je reverse la totalité de mon indemnité à mon parti, soit 1040 euros et naturellement je cotise chaque mois à hauteur de 23 euros.

Prof

Je suis professeur de sciences physiques dans une section de BTS traitement des matériaux. Le temps de préparation des cours et des travaux pratiques, celui des corrections m'amènent à jongler en permanence avec mon emploi du temps. La spécificité de ces classes me permet simplement d'avoir mon temps plein en ayant 13 ou 14 heures devant les élèves, ce qui signifie que je suis une ½ journée au lycée 4 jours par semaine. N'ayant qu'une classe, les élèves me "subissent" de 2 à 4 heures chaque jour sauf le jeudi. J'insiste : pour les politiques, contrairement au syndicalisme, il n'y a pas de décharge.

J'aime enseigner, je suis heureux d'être avec mes élèves, mes collègues, les personnels non-enseignants, de les rencontrer dans les couloirs, à la cantine et dans la salle des profs, de vivre ainsi au quotidien. Je me suis réservé un bout de panneau dans la salle des profs où figurent ma lettre Internet, des documents et des tracts du PCF, des invitations et des flyers d'événements municipaux.

 

La permanence

Comme tous les adjoints au Maire du 19ème, pour ce qui me concerne chaque vendredi matin, je reçois les habitants qui le souhaitent sans rendez-vous. Il s'agit le plus souvent de problèmes de logement, de personnes qui légitimement sont en attente, de temps en temps furieux, très furieux d'attendre depuis 2, 5, 10 ans un logement plus décent. Je viens de compter, 150 personnes en 2005. Je les revois souvent tous les 3 mois. Une nouvelle intervention en particulier vers la préfecture sera faite au nom du Maire. Pour le 19ème, il y a de l'ordre de 10.000 dossiers en attente et 1.000 demandes satisfaites par an. Construire du logement social, réellement accessible, diminuer le coût des loyers sont donc des objectifs incontournables. Ce même vendredi, une commission logement, composée d'élus et de représentants d'association, se réunit 2 fois par mois environ pour proposer aux organismes de logement sociaux les candidats prioritaires pour le 19ème. A une commission, c'est le plus souvent 5 logements qui sont examinés, c'est dérisoire ! Et, si quelqu'un me sollicite sur une question culturelle, je lui donne un rendez-vous quelques jours plus tard tranquillement dans mon bureau.

Détente relative, je fais le mariage du vendredi matin, il n'y en a en effet qu'un en moyenne.

L'astreinte

Nous sommes 13 adjoints. Alternativement, donc 4 fois dans l'année, nous sommes d'astreinte toute la semaine. Nous pouvons être appelés pour un incendie, une expulsion… et nous faisons les mariages du samedi… à la chaîne. Environ 12 mariages, 9 le matin, 3 l'après-midi, pour lesquels j'entends, sans m'immiscer dans un événement important de la vie personnelle, décontracter l'atmosphère… Mes semaines ont souvent la spécialité d'être mémorables, je veux dire dramatiques. Je ne compte plus le nombre de dîners avec des invités interrompus… pour aller voir le désastre que provoque un incendie. Il faut s'occuper de rassurer les gens, les faire patienter avant qu'ils retrouvent leur appartement, trouver un lieu dans l'urgence en foyer ou en hôtel.

Conseil de quartier

Délégué pour le quartier place des fêtes, j’attache une grande importance à la vie de proximité, aux liens avec la mairie et les élus. Bureau du conseil de quartier de 30 personnes, réunion du conseil avec les habitants, 70 en moyenne… Une fois par trimestre, naturellement essentiellement pour parler du quotidien : propreté, sécurité, circulation… La démocratie de proximité est indispensable, trop peu prise en compte, valorisée, développée.

En ce moment, nous essayons de reconstituer une association des commerçants de la Place. Indiscutablement, ces espaces d’échanges et d’élaboration collective montrent l’attachement des habitants à leur quartier. Nous avons engagé des transformations : la place évolue.

Le centre d'animation se construit. Il va y avoir enfin des salles d'activités et une salle de spectacle… Le départ du lycée de l'hôtellerie Jean Quarré et la libération des locaux du docteur Potain devraient permettre d'ouvrir un hôtel pour lycéens de plus en plus nécessaire et de répondre à la demande d'un  équipement sportif réclamé par tous.

Le conseil d'arrondissement

Etre élu, c'est naturellement les réunions mensuelles du conseil d'arrondissement, le lundi précédent le conseil de Paris. Nous voyons passer toutes les délibérations sur les questions qui concernent notre arrondissement. Urbanisme, subventions, conventions, voirie, parcs et jardins… Tout y passe ! Dans le 19ème, nous sommes quatre élus communistes. Chacun intervient sur les différents sujets, justifie l'esprit de notre vote. Nous proposons régulièrement le vote d'un vœu qui reprend une action dans l'arrondissement : logement insalubre, sans papiers, équipement de quartier…

En charge de la culture

J'en viens à ma délégation d'adjoint à la culture. Le 19ème avec ses 180.000 habitants, 3ème arrondissement parisien, n'est pas une mairie de plein exercice. Je ne suis pas, loin de là, un élu gestionnaire. Le budget sur lequel j'influe, jusqu'à présent, est celui des animations culturelles : environ 180.000 euros, soit 1 euro par habitant.  En ordre d'idée, il correspond à une répartition en 3 tiers : des initiatives municipales, des initiatives où nous sommes co-partenaires, des soutiens à des événements d'associations ou de quartiers.

Je réagis rapidement, je reçois beaucoup et sans trop tarder : 10 à 15 personnes par semaine. Je réponds aussi beaucoup par mel. J'écoute, j'oriente, je conseille. Je pense que c'est souvent utile.

Et lorsque je le peux, je vais voir sur place les artistes sur leur lieu de travail. C'est aussi un magnifique et mémorable cadeau qu'ils me font. De même, qu'assister à un spectacle, à un concert, venir à une exposition est un plaisir mais aussi un acte politique porteur de crédibilité.

Les événements du 19ème

Les fêtes du bassin de la Villette sont un grand événement qui demande beaucoup de préparation, pour lesquelles  la chargée de mission culture, Christine, est programmatrice et coordinatrice. Je pense qu'on peut être content du résultat. A cela, s'ajoutent des "semaines" à thèmes : semaine du livre, de la science, de concerts, semaine de la chorale, 34 chorales dans des lieux de cultes, semaine du conte…

La Mairie est co-partenaire lors des fêtes de quartier, particulièrement celle de "Belleville de bas en haut".

Nous soutenons des dizaines d'événements, petits, moyens et gros : le festival de court métrage Silhouette dans le parc des Buttes Chaumont, le festival Paris quartier d'été dans la Butte du Chapeau rouge et dans un quartier populaire de l'arrondissement, Danube ou place des Fêtes cette année…

J'essaye de favoriser les interventions dans les quartiers populaires et dans l'espace public. Grâce à Yves Jammet de l'APSV, à Pascale Henrot de Paris quartiers d'été, à Marie-Laure Las Vergnas de la Cité des sciences et de l'Industrie, à Rémy Bovis de 2 cirque et 2 rue, il se passe pas mal de choses dans le domaine des arts de la rue, de la musique, des arts plastiques.

J'ai mis en place une commission qui examine les dossiers de propositions de financement. C'est de multiples coups de pouce, quelques centaines d'euros, qui sont ainsi donnés.

Multiplier les dialogues

Aider, c'est aussi orienter, mettre en lien des personnes, des structures, faire de la communication. Le site Internet de la Mairie, la gazette… y contribuent. Depuis que je suis élu, chaque mois j'envoie une lettre Internet. Le nombre de destinataires augmente régulièrement : 3500 destinataires, 400 visites de mon site chaque mois… Je pense être un élu qui communique !

Avec l'aide et l'amitié précieuse de Meziane, le directeur du cabaret sauvage, dans le prolongement des espaces citoyens de la fin des années 90, j'ai fait l'expérience d'un cabaret politique. Je n'abuse pas de l'utilisation de ce lieu magique et des cadeaux qui me sont faits.

Je réunis un pôle culturel sur des thèmes de proximité, j'avais commencé par le 104 en 2002, ce qui avait conduit à la naissance d'une association, qui malheureusement a eu une vie trop courte, les Actionnaires du 104. Il en reste, en tout cas, la volonté forte que l'histoire de ce lieu, les pompes funèbres de la Ville de Paris, privatisées par Chirac en 1993 soit présente dans cette seconde vie inédite.

Les acteurs culturels ont réclamés de la diffusion d'information et de la signalisation de leur lieu… A la réunion suivante, le responsable des services de la voirie est venu expliquer ce qui pouvait être fait actuellement. Pour la communication, j'ai annoncé la mise en place d'un document "le 19ème en fête" indiquant tous les événements du printemps et de l'été.

Le 104

Le 104 occupe une bonne partie de mon activité. C'est formidable qu'une opération majeure de la mandature en matière d'investissement et de création artistique se fasse dans le 19ème et en plus dans un quartier très populaire. Symboliquement c'est important et il y a un défi de réussir le pari d'un tel lieu en phase avec les habitants et les jeunes en particulier. Une nouvelle rue va être créée, ouverte à tous en multipliant les sollicitations de la parcourir.

J'ai rencontré autour de ce projet des gens sensationnels. En général, j'ai exprimé mon point de vue et nous avons été amené à nous revoir, à faire un bout de chemin ensemble. J'aime bien un déjeuner "de travail" ou une sortie pour échanger, parler, s'écouter, s'interroger…

Le lundi 3 avril dernier, à mon invitation, les directeurs du 104, Frédéric Fisbach et Robert Cantarella ont rencontré tous ceux qui le souhaitaient, habitants, acteurs culturels, responsables d'associations au Cabaret sauvage.

Les bibliothèques et le conservatoire

La déconcentration dans les arrondissements s'effectue progressivement. Les 6 bibliothèques et le conservatoire de musique sont concernés. Je ne joue pas à gérer, ni interviens sur les statuts des personnels. Mes rapports avec les directrices et les directeurs, avec les personnels ne peuvent être basés que sur la confiance, l'envie de faire des choses ensemble pour le bénéfice des habitants.

C'est ainsi que je suis intervenu pour la propreté du sol et des vitres dans ces lieux, pour les mettre en relation avec le bailleur social, propriétaire des locaux. La Mairie aide souvent des initiatives dans les bibliothèques, expositions, concerts, lectures... Nous renouvellerons sûrement une opération "On n'est jamais trop petit, journées culturelles de la petite enfance". A ce propos, l'association LIRE à Paris basée désormais dans le 19ème, réalise un travail formidable pour inciter tout adulte à lire aux enfants dès la naissance en lien avec les nourrices, les centres de PMI… La suppression des emplois-jeunes par les gouvernements Chirac a ralenti considérablement le développement de l'action.

L'éducation musicale me soucie. Je voudrais que le conservatoire rayonne, que les enfants soient contents de pratiquer un instrument, que le lieu soit fréquemment initiateur de concerts et de commentaires des œuvres. Cela fait à mon avis partie de leur mission. C'est pour le moment compliqué. La semaine des divers concerts d'hiver est beaucoup plus facile à organiser. Elle résulte de rencontres et d'envies de faire ensemble qui en plus se renouvellent !

Dans les débats actuels, l'action municipale gratuite pour les habitants est motivante et satisfait les artistes. Nous trouvons des bases d'accord sur leur rémunération.

Enfin, si une bibliothèque va se construire à la porte des Lilas à l'occasion de la couverture du périphérique, et la bibliothèque Flandre agrandie, une ou 2 autres bibliothèques supplémentaires, un conservatoire ayant une capacité d'accueil plus important ne seraient pas du luxe. De même, qu'il faudrait que se concrétise des horaires d'ouverture plus large des équipements municipaux.

Les établissements scolaires

Les écoles, le milieu scolaire restent encore beaucoup trop fermés sur eux-même. Ils représentent un potentiel de locaux en dehors de heures de cours, pendant les vacances scolaires, un centre de ressource de matériel. Un lieu où les jeunes pourraient être beaucoup plus sollicités et entraînés dans les activités artistiques. Une politique volontariste avec des moyens devrait être mise en place établissant avec les lieux scolaires des ponts multiples avec les artistes et leurs structures.

Des initiatives exemplaires existent avec la Maison du Geste et de l'Image et le Théâtre Paris - Villette. D'autres se développent avec le Plateau, et en perspective dès son ouverture, le 104 devra être incontournable et moteur dans ce domaine.

Pendant ce temps, le Rectorat au mieux parle mais n'aide pas ni à multiplier les classes avec des projets culturels, ni à leur donner les moyens de fonctionner. C'est comme le gouvernement.

Entre le milieu scolaire et la culture, Il faut que cela change, il doit être possible d'établir de véritables partenariats !

L'Hôtel de Ville

J'ai appris à faire le plus souvent sans… Je regrette le manque de synergie. J'aime bien Christophe Girard mais il y a peu de continuité dans nos relations. L'Hôtel de Ville et la rue des Francs bourgeois où se trouve la DAC ( direction des affaires culturelles) sont éloignés, peu ou insuffisamment accessibles. Je suis perplexe, je ne comprends pas l'enjeu de ces cloisons…

Je suis un élu d'arrondissement, de ce 19ème que j'ai appris à beaucoup connaître et aimer. J'y concentre donc mon champ d'intervention…

Et demain ?

Je pense que cela se sent, je trouve une forme de satisfaction et de plaisir à tout ce que je fais. Est-ce à dire que c'est satisfaisant, que des changements ne sont pas indispensables ? Évidemment, je le fais dans le contexte d'une majorité municipale plurielle, avec je le répète les faibles moyens humains et matériels d'une mairie d'arrondissement.

On doit pouvoir aller plus loin dans la déconcentration, accéder à une forme de décentralisation tout en maintenant l'unité et des équilibres parisiens. Un élu, un chargé de mission, pas de service culturel, c'est quand même peu ! Un poste par arrondissement pourrait être créé afin de faire le lien entre la DAC, les équipements…

La démocratie participative, de proximité reste encore embryonnaire. Aller plus loin, faire confiance aux citoyens et aux associations doit être possible. Un pole culturel régulier, une sorte de conseil de la culture, pourrait se mettre en place dans chaque arrondissement et au niveau parisien. 

Enfin, il faut répondre aux demandes des acteurs culturels et des associations. Il faut plus de moyens financiers, un accès plus important et plus simple aux subventions, ouvrir des locaux pour les activités, multiplier les ateliers pour les artistes. Le budget de la culture reste encore insuffisant. L'effet des retards est encore trop visible. Les événements au plus près des quartiers et des habitants ne sont pas assez soutenus, facilités.

Après des actes exemplaires, des événements populaires, la construction de nouveaux équipements, la gratuité des musées, la prochaine mandature devrait marquer de ce point de vue une nouvelle étape décisive.